Si on évoque le rétablissement, il faut admettre que l’abstinence – un cap que le patient va tenir dans le temps – est le plus souvent précédé de rechutes. Ces rechutes – parfois un jour, parfois quelques jours, semaines ou mois – résultent de différents processus : incapacité de résister à des sollicitations trop fortes, incapacité à gérer ses propres émotions et recours à cet alcool-médicament (mauvais médicament !), vouloir vérifier pour une xième fois si l’on ne peut pas boire « un » verre « comme tout le monde » et s’en tenir à ce verre.

Dans un parcours de rétablissement, la rechute est donc la règle.

« Nous n’y croyons plus » : voilà qui est normal. L’entourage doit admettre qu’il est impuissant sur le décours de cette addiction. Il ne faut pas prendre les rechutes comme l’échec de soi et de sa relation d’aide à celui/celle qui boit. « J’ai tout fait pour l’en sortir » : la rechute est vécue par l’entourage comme un échec de celui / ceux /celles qui veulent aider le familier dépendant. Parfois même, un vécu de culpabilité chez ce proche pensant n’avoir pas fait ou pu faire ce qu’il aurait dû faire. Ne plus y croire résulte aussi du fait que de nombreux familiers ne comprennent pas vraiment la nature et la portée d’une addiction. Pour l’entourage, la décision d’arrêt serait essentiellement une question de « volonté » ; ils comprennent mal ce proche qui n’a pas cette « volonté » ; la colère n’est pas loin. L’addiction n’est en rien un manque de volonté pour le soignant ! L’addiction est la perte de la liberté de s’abstenir de boire pour des raisons multiples dont la dépendance physique, qui est très organique et « ancrée » dans les neurones suite à des perturbations biochimiques graves du fonctionnement du cerveau.

« Peut-il (encore) s’en sortir ? ». Oui ! La motivation – pour changer par rapport à cet alcool – est un phénomène lent et progressif. C’est notamment le « métier » des soignants d’en arriver à accroître la motivation d’arrêt chez son patient : il y a des techniques thérapeutiques pour accroître la motivation. La décision d’arrêt appartient au patient et va émerger du travail thérapeutique. Le soignant peut effectivement contribuer à la fin des rechutes, là où la famille s’avère impuissante justement à cause de ce lien familial.

Les soignants et médecins voient régulièrement certains de leurs patients dépendants prendre cette « décision » d’arrêt – et la tenir dans le temps – un peu à leur surprise.